Le préjugé selon lequel il faut être souple pour faire du yoga a la vie dure. Pourtant, force est de constater que nombre de yogis sont très souples. Alors quel est véritablement le lien entre souplesse et yoga ?
La souplesse : comment ça marche ?
Pour comprendre comment fonctionne la souplesse, il faut regarder le corps sous plusieurs angles : celui des fascias, des muscles, des ligaments et des os.
La souplesse et les fascias
Les fascias sont des membranes, composées entre autres d’eau et de fibres de collagène et élastiques, qui enveloppent l’ensemble du corps : les muscles, les organes, les os, les articulations. Ils entourent chacune de ces parties du corps mais les relient également entre elles permettant à la fois de maintenir les structures anatomiques, de les relier et d’assurer leur mouvement sans frottements.
Un fascia en bonne santé permet donc une bonne mobilité et souplesse corporelle. Plus les fascias sont longs, élastiques, hydratés et fluides, plus l’on est à l’aise dans le mouvement et plus l’on est souple.
Les principales causes d’une mauvaise santé des fascias sont un manque d’activité physique, une mauvaise posture, une mauvaise alimentation, un stress important, un manque d’hydratation, le vieillissement aussi. Les conséquences de cela sont que les fascias sont mal hydratés, durcissent, collent, voire s’emmêlent et adhèrent entre eux (on parle d’adhérence), ce qui réduit considérablement leur élasticité, leur mobilité et leur côté lubrifant, voire peut causer des douleurs.
Longtemps négligés et même considérés comme inutiles dans la médecine d’autrefois (lors d’opérations, on n’hésitait pas à couper les fascias !), on reconnaît aujourd’hui le rôle primordial de ces tissus conjonctifs à plein de niveaux, jusque dans la perception de la douleur ou encore les émotions. Diverses pratiques comme la fasciathérapie ont ainsi vu le jour pour prendre soin de ses fascias.
La souplesse et les muscles
C’est plus connu, les muscles ont un rôle certain dans la souplesse : plus les muscles sont élastiques et longs, plus le corps est mobile et souple et en bonne santé.
Or, de nombreuses pratiques physiques contractent les muscles (renforcement musculaire, athlétisme, natation, football, basket etc), et en se contractant, les muscles se raccourcissent et à force, risquent de perdre en élasticité, en mobilité et en souplesse. Ce qui peut causer des tensions importantes.
Préserver la souplesse de ses muscles est donc primordial non seulement pour la santé de son corps, mais aussi pour sa performance physique puisque la souplesse permet de gagner en amplitude du mouvement.
Pour cela, il faut s’étirer régulièrement surtout si l’on a une pratique sportive intense. La question de l’étirement après une séance de sport a fait polémique ces derniers temps. Effectivement, il vaut mieux ne pas s’étirer longuement après une pratique physique intense, car les muscles ont alors des micro-lésions et les étirer en profondeur risquent d’approfondir ces lésions ; toutefois, pratiquer de légers étirements quelques secondes permettra au muscle de retrouver sa longueur initiale. Cela est primordial pour maintenir ses muscles en bonne santé, mais cela ne suffit pas à gagner en souplesse. Pour cela, il faut dédier toute une séance à des étirements en dehors des séances sportives : pratiquer longuement des étirements à froid, c’est-à-dire sans avoir fait de sport au préalable ; c’est ainsi que les muscles s’étirent sans danger et gagnent en élasticité.
La souplesse et les ligaments
Les ligaments lient les os d’une articulation entre eux (à ne pas confondre avec les tendons, qui relient les muscles aux os). Ils permettent de maintenir les os et stabiliser les articulations.
Là encore, plus les ligaments sont longs et souples, plus le corps est souple et mobile. Cependant, les ligaments sont très solides et sont donc peu extensibles : ils ne peuvent se contracter et s’opposent généralement aux mouvements d’étirement, puisqu’ils ont pour rôle de maintenir fermement les os. Ainsi, des étirements trop intenses et mal effectués peuvent tirer sur les ligaments et causer des déchirures.
Les ligaments s’assouplissent donc très difficilement car ils visent avant tout à bien protéger les articulations. Cependant, il existe des personnes ayant de l’hyperextension qui ont des ligaments très souples. Le danger est d’aller trop loin dans les mouvements et de provoquer des blessures au niveau des articulations moins bien soutenues ; il faut pratiquer en conscience et faire attention à ne pas s’écrouler dans les postures de souplesse : si on a de l’hyperextension, il vaut mieux micro-fléchir les articulations en question (les coudes, les genoux) pour protéger les ligaments.
La souplesse et le squelette
La structure osseuse a aussi un rôle très important dans la souplesse ; mais bien évidemment, on ne peut rien y faire puisqu’on ne peut pas modifier la forme ou l’emplacement de ses os !
Il est néanmoins important de mentionner cet aspect car il permet de comprendre que selon la morphologie des os, l’on peut avoir plus ou moins de souplesse et de mobilité dans son corps : nous ne sommes pas tous égaux en matière de souplesse !
Au niveau du bassin par exemple, certaines personnes ont un bassin plus ou moins mobile et large (les hommes ont d’ailleurs bien souvent un bassin plus étroit que les femmes), ce qui explique que des postures comme le tailleur soient compliquées pour certains, tandis que le grand-écart est instinctif pour d’autres !
Autre exemple, au niveau du dos, la taille des processus épineux dans les vertèbres diffère également entre les personnes et permet d’expliquer la facilité des uns et la difficulté des autres à venir dans des postures comme le pont.
Afin de déterminer si le manque de souplesse vient des muscles ou des os, il faut conscientiser les sensations dans les postures difficiles : par exemple, dans la posture de la pince, si l’on sent un blocage au niveau du bassin, c’est sûrement dû au squelette ; en revanche, si l’on sent un blocage au niveau du bas du dos, c’est sûrement au niveau des muscles du psoas que cela coince, et à l’arrière des jambes, cela vient probablement des ischio-jambiers.
Comment gagner en souplesse grâce au yoga ?
Le yoga permet de devenir plus souple. La souplesse n’est donc pas un prérequis pour faire du yoga, c’est plutôt un acquis.
Le yoga permet de gagner en souplesse en travaillant sur trois des quatre aspects que nous avons mentionné plus haut : les fascias, les muscles, les ligaments. En ce qui concerne les os, comme on l’a dit plus haut, on ne peut pas faire bouger son squelette, et heureusement !, du coup le yoga ne peut rien à ce niveau-là.
Une pratique yin et yang
En revanche, en matière d’étirement des muscles, le yoga est une excellente pratique : si le yoga renforce les muscles, il les étire aussi, ce qui permet de maintenir des muscles fermes et souples à la fois. Et c’est cela des muscles en bonne santé : capables de se contracter autant que de s’étirer pour un bon équilibre de l’ensemble du corps. Généralement au yoga, on pratique des étirements actifs, c’est-à-dire que le muscle que l’on étire, ou le muscle antagoniste (celui qui travaille de pair avec celui-ci), est engagé.
Pour ce qui est des fascias et des ligaments, c’est surtout le yin yoga qui permet de les assouplir, car c’est en relâchant les muscles que l’on peut atteindre les tissus profonds, les fascias et les ligaments précisément, sans risquer la déchirure puisque le yin yoga consiste en des étirements passifs, qui ne tirent pas sur les tissus mais au contraire visent leur relâchement (en savoir plus sur le yin yoga ici).
Parfois au yin yoga on utilise également des accessoires pour masser les fascias : les rouleaux et les balles à fascia (que l’on peut aisément remplacement par des balles de tennis). Masser la voûte plantaire avec une balle, ou le dos avec le rouleau, permet de dénouer des tensions dans tout le corps (et l’esprit). Vous pouvez retrouver des kits de massage de fascias notamment sur cette boutique internet.
Une pratique équilibrée entre yin et yang (passive et active) est essentielle à la santé de notre corps et de notre esprit : il faut travailler le renforcement des muscles et la souplesse de ceux-ci ainsi que des tissus, afin d’avoir un corps à la fois bien soutenu, plus mobile et sans tensions.
Une pratique en conscience
Le principe des postures d’étirements, et du yoga en général, est de ne jamais forcer : c’est à travers le relâchement que le corps peut aller plus loin.
À étirer de manière trop brutale ou trop intense, on risque de blesser les muscles, les fascias, les ligaments. Les étirements visent à libérer les tensions et les blocages dans ces parties du corps, pas à créer davantage.
Ainsi, les étirements ne sont pas censés être douloureux. Il faut savoir distinguer l’inconfort de la douleur : certaines postures sont intenses, mais on ne va jamais jusqu’à la douleur au risque de déchirer plutôt que d’étirer. Je dis toujours que l’inconfort est diffus (souvent ça tire dans l’arrière de la cuisse par exemple), tandis que la douleur est locale (si ça fait mal à un endroit très précis, c’est sûrement que l’on va trop loin).
Comme on l’a évoqué plus haut, le problème des personnes hyperlaxes est qu’elles ne ressentent pas de douleur à aller trop loin, elles risquent donc d’abîmer leurs articulations dans des étirements trop intenses. Il faut donc trouver un autre repère que la douleur : la conscience du rôle des articulations. Le but d’une articulation n’est pas d’aller dans tous les sens, mais de réaliser certains mouvements. On ne cherche donc pas à aller au-delà de ces mouvements, seulement à aller dans l’amplitude de ces mouvements.
C’est cela la souplesse : l’amplitude du mouvement. Et pour trouver celle-ci, il faut pratiquer en douceur, en lenteur, en contrôle et en conscience. L’outil pour atteindre cette amplitude est la respiration : à harmoniser le souffle et le mouvement et à respirer profondément et en conscience, on accompagne le corps dans le relâchement et on lui laisse le temps d’aller dans la posture et d’aller toujours plus loin sans forcer.
Respirer de manière rapide et saccadée ne fait que tendre le corps, alors on prend le temps de respirer, on relâche les tensions et les traits du visage, et on laisse le corps aller comme il l’entend dans la posture.
Au niveau mental, la respiration constitue également l’ancrage dans l’instant présent : on observe chaque inspiration, chaque expiration. Respirer profondément et consciemment, c’est se donner une nouvelle unité de temps où les inspires et les expires remplacent les secondes. La respiration nous aide ainsi à profiter de chaque instant et à atteindre la pleine conscience (en savoir plus sur la respiration au yoga).
La souplesse : une fin en soi ?
Si le yoga fait gagner en souplesse, cela n’est pas une fin en soi. Le but du yoga est au contraire cette pleine conscience, cette capacité à s’ancrer dans l’instant présent et à se connecter à soi, son corps, son esprit, le monde qui nous entoure.
La souplesse est plutôt un moyen dans cette fin. C’est un chemin vers cet état d’éveil. Patanjali, le père du yoga, parlait du terme « asana », qui désigne aujourd’hui les postures de yoga (voir le lexique du yoga) comme une « posture stable et confortable ». Gagner en souplesse c’est trouver du confort dans les postures à travers un relâchement plus intense du corps mais aussi de l’esprit : si on se sent inconfortable dans une posture, le corps se crispe, l’esprit s’agite ; se sentir « stable et confortable » au contraire permet un lâcher prise plus profond, une conscience plus éveillée.
L’important est d’aller dans ce chemin du yoga à son rythme.